dimanche 9 juin 2024

L'Asne et le Loup vert


L'Asne et le Loup de Saint-Marcan


Le texte le plus ancien qui nous relate l'histoire des origines du Mont‑Saint‑Michel a été rédigé par les religieux au Xe siècle. On peut y lire qu'en des temps extrêmement reculés, des moines vivaient déjà sur le rocher « Ces moines dévoués au service du Seigneur étaient nourris par une disposition providentielle du Dieu qui gouverne tout, grâce à l'aide que leur portait un prêtre du village qu'on nomme Asteriac (aujourd'hui Beauvoir). En effet, lorsque les vivres, sans lesquels la vie humaine ne peut subsister, venaient à leur manquer, une fumée montant vers le ciel leur servait de signal et ce prêtre chargeait un âne de provisions garnies d'authentique charité : conduit par un guide invisible, en ces lieux sans chemin l'animal allait et revenait portant ce que Dieu ordonnait et qui leur était nécessaire... »



Cette jolie légende a été encore embellie au XIIe siècle par Guillaume de Saint-Pair, moine à l'abbaye et auteur d'une histoire du Mont en français, le Romanz del Munt Seint Michiel (Livre I, chapitre 2). Notre trouvère bénédictin nous raconte qu'un jour où l'âne remplissait son office habituel…


Un loup allait par le chemin

Qui l'encontra l'a mis à terre,

Etranglé l'a, puis le mangea.


Les ermites isolés sur le rocher attendirent en vain leur pourvoyeur de nourriture. Ils s'en remirent alors à Dieu qui leur envoya le loup. Celui‑ci se présenta humblement devant les religieux qui, comprenant ce qui s'était passé, lui ordonnèrent de remplacer l'âne qu'il avait mangé. De ce jour, le loup porta les sacs sur son dos et devint, pour les habitants de la baie, un animal familier que chacun appelait et caressait. Les chiens mêmes jouaient avec lui, nous assure Guillaume de Saint‑Pair.



Cette belle histoire a sans doute été empruntée par l'auteur à des traditions bretonnes, le thème, en effet, se retrouve dans des récits armoricains d'époque carolingienne et romane, notamment les vies de saint Hervé et de saint Malo. À quelques kilomètres à l'ouest du Mont, l'église de Saint‑Marcan conserve une statue du saint patron dont les pieds reposent sur un loup dévorant un âne : cette sculpture perpétue le souvenir d'une légende identique.


Extrait de :


"Contes et légendes du Mont-Saint-Michel"

de Marc Déceneux

aux Éditions Ouest-France


Voir également sur :



« Une fois, un pauvre paysan, plein de bonne volonté, mais qui n'avoit gueres de bien, fit present au saint Prelat d'un jeune asnon pour le service de sa maison; le Saint, ayant plus d'égard à la bonne volonté du donneur qu'au présent, l'en remercia, &, depuis, se servoit de cét animal pour porter son bois et ses autres provisions; mais le loup, ayant trouvé cet asne à son avantage, le dévora : ce que rapporté à saint Malo, il se transporta à la prochaine forest, &, ayant fait couper & fagoter un gros faix de bois, appella le loup qui avoit mangé son asne; le loup comparut, &, d'arrivée, se jetta aux pieds du Saint, comme demandant pardon de ce qu'il avoit fait; mais, ne se contentant de cette satisfaction, il le condamna à servir au même usage à quoy servoit la beste qu'il avoit dévorée. Le loup se leva & tendit le dos, sur lequel fut chargé le faix de bois, &, depuis, il devint si domestique & serviable, qu'on en tiroit beaucoup plus de profit & service que de l'asne; &, bien qu'il mangeast et logeast en même étable avec les autres bestes, il ne leur faisoit point de mal. »

Une légende semblable existe à Loc-Envel, situé près de Belle-Isle-en-Terre.

Loc-Envel tire son nom du vieux breton « lok », qui signifie « lieu sacré », et d'Envel, un abbé britannique venu s'installer s'y installer, au VIe siècle.


Saint Envel “le Grand”, devenu abbé, s’établit au sud du Guic, à l’emplacement de l’église actuelle de Loc-Envel (qui date du XVIe), sur le coteau méridional situé à l’orée occidentale de la mystérieuse « forêt de la Nuit » (Koat-an-Noz où le jour se couche) qui se continue à l’est du Léguer, par la « forêt du Jour » (Koat-an-Hay où le jour se lève).


Saint Envel “le Petit”, anachorète solitaire, installa son habitat sur la colline opposée, là où se trouve la Chapelle du Bois (Chapel Ar Hoat), en Belle-Isle-en-Terre dont il est le patron.


Note : En breton Henvel signifie « semblable ».

Les deux frères sont fêtés les 3 et 11 décembre.


Sainte Yuna, quant à elle, s’établit à Plounévez-Moëdec.


La rivière séparait ainsi Yuna et ses frères qui avaient fait vœu par esprit de contrition, de ne jamais plus se revoir, tout en continuant à prier ensemble.


Chaque jour qui passait, Yuna faisait sonner sa cloche à l'heure de la prière.


Au lendemain de grandes pluies d'orage, le Guic grossi roulait avec un tel fracas que les frères Envel ne pouvaient entendre la cloche de Yuna. Alors Envel “le Grand” dit au torrent depuis Loc-Envel : « tao, tao dourik mik, ma kévi kloc'h ma c'hoarik » (tais-toi petite eau, que j'entende la cloche de ma sœurette). Sur le coup, les eaux cessèrent leur tumulte. Et depuis lors, même au temps des déluges d'automne, le Guic roule sans bruit sur son lit de cailloux.


Un jour, la cloche de Yuna ne sonna point et ses frères comprirent que leur sœur était morte.



Sur ce vitrail, en bas, à gauche est représentée une barque dans laquelle sont trois personnages ; sur une banderole, on lit : arrivée en Bretagne ; sur le bordage du navire, on lit, au-dessous des personnages : St Envel, St Envel le petit, Ste Jeune ; voici donc apparaître le second Envel et la sœur sainte Jeune.

Le panneau en haut à gauche représente le saint, toujours en costume de laboureur, qui fouette un loup attelé à une herse ; au premier plan, le cadavre de l’âne du saint dévoré par le loup qui fut tout simplement condamné à le remplacer.

En bas à droite, nous voyons Envel en costume de laboureur qui pousse au travail un cerf attelé à la charrue. On aperçoit au second plan le brigand qui s’enfuit avec le cheval qu'il vient de voler.

En Bretagne on retrouve une légende identique dans la vie de saint Hervé, et dans les traditions orales relatives à saint Thégonnec ; dans la vie de saint-Malo, le loup, et dans la vie de saint Martin de Vertou, un ours, remplacent l’âne qu’ils avaient dévoré.



Une légende simiaire se situe entre l'abbaye Jumièges dirigée par Saint-Philibert et l'abbaye des moniales de Pavilly dirigée par Sainte-Austreberthe.

Sainte-Austreberthe et ses religieuses avaient l'habitude de blanchir les linges de sacristie de l'abbaye de Jumièges distante de quelques lieues de Pavilly. Un âne avait été dressé pour transporter seul le linge d'un monastère à l'autre. Or, un jour, l'âne se retrouva face à face avec un loup qui se jeta sur lui et le dévora.


Sainte-Austreberthe apparut, réprimanda le loup, et le condamna à remplir les fonctions dont sa victime s'acquittait auparavant. C'est ainsi que le loup accomplit jusqu'à la fin de sa vie sa tâche avec humilité et soumission.


Sur le lieu de la mort de l'âne fut érigée une chapelle, au VIIe siècle, puis, quand le monument fut ruiné, une simple croix de pierre le remplaça. Elle sera remplacée à son tour par un chêne, dans lequel furent placées plusieurs statues de la Vierge, nommé chêne à l'âne.





À Jumièges, la légende diffère : c'est Saint-Philibert qui gourmande le loup.


Dans les deux versions, le Loup devient Vert après avoir dévoré l'Asne.


Des religieuses venues de Pavilly fondèrent vers l’an 1000 un monastère à Montreuil-sur-Mer.


Les moniales étaient en relation avec « la confrérie de Saint-Jean » à Jumièges et « la confrérie du Ver Montant » à Montreuil-sur-Mer, confréries attestées depuis le Moyen Âge.


Elles rapprochaient le culte de Sainte-Austreberthe (et son loup) avec Saint-Jean le Baptiste, car la manifestation principale des deux confréries consistait en une manifestation à l’occasion de la fête de la Saint-Jean (23 juin). Les deux confréries avaient pour tâche essentielle de choisir pour l’année, la veille de la Saint-Jean, le « Loup Vert ».



Ces légendes sont à rapprocher des légendes celtiques qui relatent l'affrontement entre le Roi Houx et le Roi Chêne.


Le Houx et l'Asne règnent sur la période qui va de la Saint-Jean d'été à la Saint-Jean d'hiver.

Ils sont associés à l'énergie Métal de l'automne, au côté droit, à l'ouest, au couchant, à l'intériorisation, à la concentration, la mesure, la limitation, le lâcher-prise, au Yin. 

Le Chêne et le Loup Vert règnent sur la période qui va de la Saint-Jean d'hiver à la Saint-Jean d'été.

Ils sont associés à l'énergie Bois du printemps, au côté gauche, à l'est, au levant, à l'extériorisation, la dispersion, à l'affirmation, à l'expression, au rayonnement, au Yang. 

Pendant la période descendante (de la Saint-Jean d'été à la Saint-Jean d'hiver) l'Asne est le véhicule / le passeur / le Christophore de l'énergie de Vie, le passeur de l'or solaire, le porteur des mystères.

C'est le 17 janvier (fête de Sainte-Roseline), sur la montagne du Capricorne, que le Loup mange l'Asne et reprend ses fonctions, tandis qu'il devient Vert. Cette date ouvre le temps des purifications (Imbolc et Saint Blaise), des Lupercales qui sont les prémisses du printemps.

Lorsque le loup mange l’âne, le Ciel et la Terre s’unissent, et la Terre reverdit. La lumière revient que l’on célèbre le jour de la Chandeleur en allumant des cierges verts

Cf.


L'Asne et le Loup vert nous renvoient à Osiris et Seth, à Hénoch et Elie, à Jésus et Jean-Baptiste (le crucifié et le décapité), à Pierre et Paul, à Janus, aux jumeaux divins, aux deux oliviers qui alimentent en huile le chandelier.



La vieille : écriture “aSne” met en évidence le S (le Shin, la triple flamme, le Fou) et en l’esprit, l’”S” prie ! Or l’”S” est double, l”S”céleste est solaire (Esse, Essénien, Essence, Jesse) — c'est le loup et le (S inversé) terrestre est lunaire — c’est l’âne ! Lorsqu’ils s’épousent, ils donnent naissance au 8, symbole d’éternité et du Christ cosmique.





L'Asne sacrifié et le Loup sacrificateur sont les deux faces d'une même Unité, le Point Germe, l'Homme cosmique primordial dont nous parle le Rig Véda — L'Hymne à Purusha / Purusa, parfois représenté sous la forme d'un cerf.

« Hors, le Cerf au Commencement se répartit ainsi :


    - Sa poitrine devint la Terre...
    - Son dos devint le Ciel...
    - Le milieu de Son corps, l'Espace... »


Dans les récits védiques, Purusha est l'homme cosmique dont le sacrifice a créé toute vie.


Purusa  est à la fois présenté comme la totalité cosmique et comme un être androgyne… Il engendre l’énergie féminine créatrice appelée Virâj. Purusa précède la création : le Cosmos, la Vie et l’Humanité résultent de son corps sacrifié. Le terme Purusa désigne l’homme, mais on imagine l’Homme Total, une sorte d’archétype universel…


Les druides nomment ce sacrifié suprêmeCernunnos. Il est la clé de voûte du panthéon celtique. Illustrant la loi de l'éternelle renaissance : tandis que l'on broie le grain lors d'un rituel, il meurt supplicié pour ressusciter dans les jeunes graines en germination. La Cervoise, boisson sacrée fabriquée à l'aide de grains broyés et fermentés, figure son sang, c'est-à-dire la sève capable de procurer des visions et de hâter la réintégration dans la source divine première. Tous ceux qui se désaltèrent avec la sève en circulation dans son corps, se métamorphosent eux-mêmes en coupe d'immortalité.


Pour l'apôtre Jean, Il est l’Agneau de Dieu immolé au commencement des temps, l’Agneau pur, innocent et sans tache qui nous nourrit de sa chair et de son sang.


Cf. Apocalypse 5:12 Jean 1:29 Jean 1:36


C'est ce Mystère dont l'Asne est porteur !


Ce Mystère que l'on célébrait depuis l'aube des temps dans les grottes, les cryptes, les catacombes…


Idéalement la crypte s'organisait (comme à Chartres : le puits des Saints-Forts) autour d'un puits (la Table d'Or), sas entre le monde extérieur de la forme / phénoménal (la Table carrée ) et le monde intérieur, créateur / nouménal (la Table Ronde).


Cf. Les Trois visages du Créateur.


« Tout homme peut, au cours de sa formation,

puiser à la fontaine intarissable de la nature divine

qui est l'essence de l'homme. »


Hexagramme 48 – Le Puits


Ceci est probablement la clé de la mystérieuse « cave » de Dénézé sous Douéchapelle souterraine organisée autour d’un puits d’une profondeur de 9 mètres, et où sont scupltées dans le tuffeau 300 figures dont celle-ci :




Un Christ aux oreilles et au sexe d'âne !

Cette figuration nous rappelle que dans les premiers temps du christianisme Jésus était assimilé à l’âne, représenté en train d’enseigner, vêtu de la toge, portant un livre à la main, armé d’oreilles d’âne, avec un des deux pieds fourchus…


Le docteur onocéphale.
D'après STEFANONE,
Gemmae - sculptae, ed. 1648, pl. xxx.


Il était également représenté sous la forme d'un âne crucifé !


Le graffiti d'Alexamenos, au Palatin de Rome.


Ce Christ au sexe d'âne nous rappelle les représentations préhistoriques du Val Camonica en Italie, 


ou encore celle du géant de Cerne Abbas,


qui nous rappellent le démiurge vert d'Hélipolis : Atoum (Wikipedia) !



En latin : vird / virid

virga :  branche verte (verge) --> Rameau, ramure   !

virgula :  petite branche.


En hébreu : viridis signifie également la verdure, l’herbe verte.


Chez les égyptiens la couleur verte (et l’émeraude) est associée à l’Eau source de la fertilité et de la régénération, à la naissance, à l’aube, au printemps, à la création du monde.


D'où la Puissance de l’Homme/Arbre Vert - Arbre de Vie !…

du latin : vir :  homme

virilis :  mâle, viril, plein de vie (vita), vigoureux, courageux, énergique,

viripotens :  puissant, à la force puissante.


Accueillons la prière du Créateur :


« Fais silence, apaise-toi, et écoute-Moi…


Je suis le Vivant, qui se tient au cœur de toute créature,

le principe vital de tout ce qui existe,

Celui qui met tout en mouvement,

Celui qui fait tourner la Roue !


Je suis le commencement et la fin, le Maître de la Vie,

l'Animateur dont le pouvoir prend forme

en toute activité et mouvement,

et dont le souffle passe en flux et reflux

en toute créature immense ou minuscule.


J'ai revêtu le vêtement de tous

et me suis dissimulé en leur sein.


Je suis le Un Invisible dans le Tout,

et Mon Cri s'élève en chacun !


Cesse ! Arrête de fouler la matière…

Ouvre-toi à Ma Présence, car Je suis en toi,

laisse monter en toi Mon chant de Vie,

et permets-lui de s'épanouir, portant un Fruit de Vie,

faisant couler à flots une Eau Vive de la Source invisible,

non souillée, incommensurable !


Je suis le régent des énergies fécondes,

le sacrifié suprême, qui se donne éternellement

en nourriture à ses enfants.


En prenant conscience de Ma Présence en cette nourriture,

qui est Ma chair et Mon sang,

tu permets que Ma Grâce imprègne ton cœur

et qu'elle l'épanouisse en Moi.


Par ces aliments mangés en conscience,

Ma Lumière s'irradie en toi,

et fait de ton corps, matrice de ton âme,

le pur soutien de ton Amour.


De tout Mon Amour, de toute Ma Lumière,


Et cela est. »



L’âne musicien d'Aulnay de Saintonge.

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