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Le Celte ressent profondément la Nature. Elle est pour lui un spectacle, un enseignement et une épopée vivante.
Il vibre à son unisson, mais sans s'y laisser dissoudre…
Il a le sentiment très vif de la coexistence d'une Nature naturée et d'une Nature naturante. Derrière le voile du monde sensible, il devine le bouillonnement d'une vie intense, consciente, réelle. Et s'il admire et reproduit les broderies peintes sur le voile, son esprit appréhende en outre les formes vivantes suprasensibles que ce voile lui dérobe à demi.
A demi seulement, car il est souvent un "voyant" et toujours un intuitif, parfois penseur, rêveur souvent, mais porteur d'une vision irréductiblement spiritualiste du monde, transposant volontiers en harmonie verbale les harmonies cosmiques dont il s'enchante. Et les images fusent sous sa plume qui, de tous temps, nous le montrent sensible à la beauté extérieure comme à l'intérieure.
Mobile, spontané, primesautier, un psychisme héréditairement affiné lui permet de rendre, à touches rapides et colorées les impressions qu'il reçoit de l'extérieur et les intuitions qui naissent dans son domaine intérieur.
La sensation directe, non cérébrale, d'un univers immatériel développe en lui le sens et le goût du mystère, l'assurant de l'interpénétration du monde des vivants et du monde des morts.
Il ne faudrait pas le pousser beaucoup pour lui faire avouer que le monde "des morts" c'est le nôtre et que celui des vivants, c'est celui des disparus.
"Terre des vivants" est un des noms les plus communs du "Pays des morts", de la "Plaine heureuse", dans les sagas irlandaises.
De là, une conception héroïque de la vie, simple tremplin d'où l'âme s'élance vers l'immortalité.
Il reste une conscience, une unité peu soucieuse de désintégration, porteuse d'un élément éternel, indestructible : l'Awen, mot qui exprime également par une rencontre saisissante, le "génie poétique" et le "souffle immortel de l'Esprit".
Avec une telle conception de l'univers, tout est signe, préfiguration, symbole, magie ; tout, y compris son verbe.
Et c'est sans effort, qu'il se meut dans le double cosmos visible et invisible, un monde où les morts reviennent paisiblement s'entretenir avec les vivants, où le rationnel et le fantastique s'entrelacent pour ainsi dire normalement mais où la vision interne n'obnubile jamais la perception claire et nuancée du monde tangible.
Extrait de :
"QUELQUES ASPECTS DE LA POESIE CELTIQUE"
de André SAVORET - Ed. PSYCHE 1946.
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1 commentaire:
A la lecture de cet extrait, je me sens définitivement, profondément celte. Et j'aspire à ce que mes mots rendent au mieux le merveilleux que je perçois autour de moi, dans la nature, les relations humaines. La manifestation de l'Awen sous nos yeux... Je souhaite la partager, pour rendre à ceux qui se désespèrent la joie et la fraicheur du regard de l'enfant... Je ne sais si j'y parviens, si j'y parviendrai, mais c'est ce qui me porte chaque jour...
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