dimanche 6 décembre 2009

La Vie et la Mort


- La Mort (M) Accent du Nord – La Vie (V) Accent du Sud

Un jour que la Vie et la Mort se croisaient par hasard…

M - Ah ! Tins ! Quoisque t’ fais là ?
De t’ vir traîner dins l’ coin, cha ch’ ést bin preumière fos !

V - Eh ! La Mort !… Pas possible ! Ah, ça c’est une chaince !
Mais, tu n’as pas chaingé ma foi ! Quelle élégaince !

M - Ah ! cha, cha fait plaisir ! Pour ène fos qu’in m’ veyant,
Puteôt que d’m’insulter on m’adresse in sourire…

V - Mais pourquoi tu dis ça, la Mort ? Tu es superbe !
Allez, viens bavarder. Asseyons-nous dains l’herbe.

M - Bin, si mi j’ sus superbe, quoisque j’ diros pour ti…
T’ és toudi lumineux, surtout quansque t’ souris.
Bé millard que t’ és bieau, si j’ saros dessiner…

V - Tu me flattes, la Mort … je suis intimidé.
Mais, je te vois songeuse, et la mine un peu triste…
Veux-tu me raconter les peines d’une artiste ?

M - Ch’ ést exactemint cha : em’ n’ art, i - ést méprisé.
I n’ d’ a même pos in seul pour in vir la bieauté !

V - Oh, là tu exagères ! Et moi, té, tu m’oublies ?

M - Mais ti ch’ n’ ést pos parèl… Tizote t’ és t’ in ami…
Te sais bin d’ quoi, la Vie ? J’sus fatiguée.
J’ voudros rester à m’ lit… J’ voudros rester couchée.
Si te saros ç’ que j’ vis, comme on m’ crache au visache
I n’a pos in humain pour comprinte em’ messache.
El’ nature, cha va bin, elle, elle fait pos d’histoire,
Mais lés gins te sais bin : « Tin, là, ch’ ést l’ feimme in noir ! »

V - Mais qu’est-ce tu racontes ? c’est pasqu’y savent pas
Quand ils te connaîtront ils feront comme moi…

M - Alors là, te délires ! Quoisque t’ crois comarate ?
Qu’ lés ceusses qui m’ veottent v’ nir vont m’ faire ène accolate ?

V - La Mort arrête, arrête, tu me fais mal.
Y a bien des geins qui t’aiment, t’ honorent, c’est normal !

M - Allez, n’ fais pos semblant. Te sais bin ç’ que j’ veux dire.
Bin seûr qu’ i n’ da quéqu’ z’ ins qui m’ adresstent in sourire.
Mais pou l’ majorité, la mort, c’est négatif.
Et mi, j’ vas printe congé pour état dépressif.

V - Y a quand même les sombres, les fous, les suicidés…

M - Bin j’ sus cras avec cha : cadeau impoisonné !


V - Pardon la Mort, pardon, c’est vrai, j’ai un peu honte.
Ecoute, je savais pas, je me reindais pas compte.
Pour ma pare, tu sais, c’est vraimeint différeint :
Les geins, y m’applaudissent, y m’eimbrassent souveint…
Mais moi je suis ta course comme on suit la lumière
Tu fais partie de moi, on est complémeintaires
Toi, tu es si profonde qu’on brûle de savoir
Vers où tu nous eimmène, dains la nuit, et le noir…
Si on se preind les maings, tu vois, on fait la ronde.
C’est un einchaintemeint, une dainse féconde.
Et dainser avec toi une valse d’amour
C’est ce que je veux faire jusqu’au bout de mes jours.
Voui, je t’aime la Mort.
Je vais même te dire si tu doutes eincore
Que partout je devine les ombres de ton corps.
Je te suis à la trace, partout je te respire.
Et te savoir à l’œuvre, ça me fait plaisir.

M - I n’ ést nin vrai tout n’même… Quoiqu’ ch’ ést que t’ dis la Vie ?
Te n’ m’ avos jamais dit equ’ t’ in pincheos pour mi !

V - Allez, vé, ne te moques pas, je suis sérieux.
Et je te dis ein face les yeux dains les yeux
Que si tu voulais bieng, enfing, je voudrais dire
Que si tu voulais bieng, plutôt que de t’einfuire
On pourrait simplemeint s’arrêter, et s’unir…
On ferait tout à deux ein harmonie totale
Tu te cacherais plus, tu me serais fatale la Mort
Fatale et merveilleuse, et plus eincore.
Je voudrais t’épouser à la vie à la mort !

Et de ce jour crucial où ils se sont croisés
Où devant tant d’amour la Mort fut ravivée
Elle reprit son œuvre avec beaucoup d’aisance
Tâchant de rendre paix, amour, et espérance
Elle ouvre le passage et prépare ses âmes
Il souffle dans son cou, murmurant un sésame

Catherine Raverdy - Saman 2009

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