mercredi 15 mai 2019

Au pied du Grand Chêne (Un petit conte initiatique)


Ce matin là Lucie reçut un appel téléphonique de l’une de ses amies qui l’invitait à venir écouter la conférence d’un “druide” sur le thème de l’Arbre dans la tradition celtique.
Elle était libre et se laissa tenter, d’autant plus que son intuition l’y invitait aussi.
Cette conférence avait lieu dans une petite librairie ésotérique non loin du Panthéon (dans le 5ème arrondissement, sur la Montagne Blanche).
Le public était restreint, le “druide” était dans la force de l’âge et très souriant.
Le moment venu, le silence s’installa et l’homme se mit à parler d’une voix douce.
Dès les premières paroles elle sentit une fraîcheur dans son dos, et une chaleur dans son cœur. Elle en fut troublée au point que quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux.
Il évoqua la naissance du monde, l’émergence du chaos de l’Arbre primordial, et autour de lui la formation de l’île blanche tournoyante, la demeure du Logos :
"Un paysage d’une incroyable splendeur. Une langue de terre et de végétation au milieu d’une étendue d’eau… une exubérance de plantes au cœur d’une onde frissonnante et irisée. Quelques arbres, des pierres, le jeu des vagues… Paix et Beauté ! …À l’orée d’un bois, un arbre immense surgit du sol, droit comme un jet de lumière ; image d’un génial élan créateur, il déploie ses ramures et déroule alentours un impressionnant réseau de racines noueuses. Ses lourdes branches qui descendent en épaisses masses feuillues paraissent tenir un discours… À moins que ce ne soit un chant car on distingue un rythme en elles.”
Puis il cita l’expérience qui était arrivé à une femme qu’il avait hébergée avant de l’emmener en forêt de Brocéliande. Alors qu’il venait de la laisser seule, elle entendit très distinctement : Cernunnos. Un cerf surgit de nul part l’invita à le chevaucher avant de la déposer au pied d’un immense chêne vert et or dont elle s’approcha. Émue par tant de beauté elle ne put s’empêcher de poser sa main droite sur son tronc. À peine l’avait-elle posée qu’une flèche vint fixer sa main sur l’arbre. Alors qu’elle venait d’enlever cette flèche de sa main, une feuille vint se poser sur cette dernière pour la soigner en passant de l’or au vert (à moins que ce ne soit l’inverse).
Puis ce fut le rêve d’une autre femme :
1 - Elle est dans un train ; une nuit de suie envahit le wagon ; elle étouffe, et criant A… A… A… elle meurt. Elle bascule par la fenêtre du wagon et est recueillie par des êtres enveloppés de voiles qui parlent une langue étrangère. Une voix d'en haut lui dit : « pour atteindre l'Esprit, le Souffle doit mourir. »
2 - Elle se trouve debout face à un très bel arbre : un chêne au feuillage magnifique dont elle peut voir le dessin de chaque feuille, vert et doré autour. Une sorte d'éclair ou de tige d'or apparaît du haut en bas et du bas en haut, traversant l'arbre et se fichant dans la terre. C'est un rayon de soleil qui relie le Ciel à la Terre par l'Arbre. La voix lui dit : « l'Esprit passe par l'Arbre. »
3 - Enfin elle a dans ses mains une géode de cristal. Au milieu des poussières de pierres colorées se mettent en spirales bleu, vert, rouge. Un être apparaît lisant une tablette de pierre. Il dit : « puisque ces choses te sont dites, je dois t'enseigner ton origine : tu es de la lignée du Sanglier. » En même temps elle entend et voit à l'intérieur de son être à la fois marcassite et sang-lié, mais elle n'a pas la signification de ces termes.
C’est alors que Lucie se remémora le rêve de la nuit précédente qui était la suite d’un rêve plus ancien.
La conférence se poursuivit avec l’évocation du Barde primordial, le Fils des Trois Cris, des trois premières lettres et du Tribann des druides.
Puis ce fut Ogmios le maître des Oghams, Odin et les runes, le grand frêne Yggdrasil, ses trois racines, qui plongent dans le sol à l'endroit où se situent des puits aux vertus prodigieuses…
Les arbres défilaient, l’If, le Bouleau, le Sorbier des oiseleurs, le Pommier aux roses fleurs…
Il évoqua également le barde Taliesin et le Câd Goddeu : « le Combat des Arbres ».
Puis il fût question du Feu de la Saint Jean, ainsi que de la Fontaine de Jouvence qui coule au pied d'un chêne creux dans le jardin du roi-prêtre Jean.
La conférence continua, cet homme semblait intarissable.
Après que l’homme se soit tu, elle prit la parole pour partager les deux rêves qui l’avaient marquée dont le dernier était tout récent.
Dans le premier rêve, elle faisait partie d’un groupe qui suivait un homme avec une capuche et une cape violette dans une forêt.
Cette figure évoquait le « Dieu aux oiseaux » qu’elle avait vu au Musée archéologique de Dijon.
Il les guida jusqu’à une clairière où se trouvait un grand chêne, au pied duquel s’ouvrait une grotte.
Dans cette grotte il y avait une source, et derrière la source : un miroir !
Chacun était invité à boire l’eau de la source puis à se regarder dans le miroir.
Lors de ce premier rêve elle n’entra pas dans la grotte.
Dans le rêve de la nuit précédente elle était allongée sous le chêne et elle buvait, elle buvait…
Elle n'a jamais revu ce “druide”, mais elle ne l'a jamais oublié non plus !
Elle se retrouvait en retrouvant ses racines, c'était là l'essentiel.

/l\ Per Al Leal

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